Par Thomas Chollet-Lunot et Lucas Blanchard
Le 7 juillet 2021, Pascal Riché, cofondateur de Rue 89 et journaliste à l’Obs, publie une photo de sa rédaction au complet sur Twitter. Sur le toit du bâtiment flambant neuf du groupe Le Monde, plusieurs dizaines de personnes, verre à la main. Mais quelque chose cloche, et la twittosphère ne manque pas de le faire remarquer. La profession qui raconte la société ne lui ressemble pas. Trop «blanc », le magazine l’Obs, habitué à dénoncer les inégalités, voit sa légitimité entachée par son absence de diversité.
Pourtant, l’hebdomadaire n’est pas le seul média parisien dans ce cas. Bien au contraire. L’immense majorité des grandes rédactions reste homogène et vit en vase clos, ce que dénoncent de nombreux sociologues. Un constat qui se vérifie en chiffres. D’après la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP), deux tiers des détenteur·ices de la carte de presse sont au moins bac+3 et un tiers est passé par Sciences Po ou une prépa. À ce titre, une telle homogénéité dans les rédactions érige des barrières symboliques à leurs entrées. Elles sont de plus en plus imperméables à toute forme de diversité, qu’elles soit liées à l’origine sociale, ethnique, géographique ou au genre.
Afin de mieux cerner les contours de ces barrières et mesurer leur porosité, nous sommes allés à la rencontre de journalistes à responsabilité chez TF1, Le Monde et l’Obs. Issu·es de milieux différents et ayant connu des trajectoires diverses, ces professionnel·les se sont confié·es sur leur vision de cet entre-soi. À l’écoute de leurs témoignages, Christine Larrazet, sociologue des médias à l’université de Bordeaux, a décrypté, pour La fabrique de l’info, leurs discours et leurs mécaniques.